Рефераты. Les moyens linguo-stylistiques de letude du texte

Pour R.Jakobson, il y a style lorsqu'un enonce est produit pour lui-meme (« la visee du message en tant que tel ») et non pas uniquement pour transmet-tre une information. Ainsi un enonce tel que La lune monte dans le ciel et luit a l'horizon ne vise qu'a communiquer une observation ponctuelle. Au contraire, cette communication s'accompagne d'une elaboration -- acte volontaire par lequel on transforme un message ephemere en une forme durable -- lorsque Lamartine ecrit:

Et le char vaporeux de la reine des ombres monte et blanchit deja les bords de l'horizon.

Cette elaboration qui definit le style met en relief l'acte poetique volon-taire. Mais elle se trouve devant deux difficultes :

-- Une difficulte theorique : cette position tend a concevoir le style comme un ornement qui s'ajouterait au message ;

-- Une difficulte pratique : le resultat de toute elaboration n'est pas necessairement style ; au bout, il peut simplement y avoir une production plate et anonyme:

«Un poeme de l'abbe Cottin est aussi elabore qu'un sonnet de Baudelaire».

Cette conception est, en fait, celle d'une stylistique de l'ecart.

Nous avons vu, effectivement, que l'on definissait d'une maniere com-mode le style comme un ecart entre la langue et l'usage particulier qu'en fait tel sujet parlant. Cette definition traditionnelle, evidente a premiere vue, se heurte a un certain nombre de difficultes : parler d'ecart suppose qu'on peut identifier les frontieres qui lui donnent une existence. Cette identification est-elle possible ? Si l'on appelle ecart un fait de parole qui constituerait une faute par rapport au code de la langue, on verra bien vite que le champ d'application concerne par cette definition se revele forcement limite : la conjugaison de Zazie (R. Queneau) ou de Berurier (San-Antonio) n'est en infraction qu'envers le code de la langue soutenue, mais rend bien compte du paradigme du code d'une cer-taine langue parlee. Dans ce cas, l'ecart n'est finalement pas autre chose que l'usage d'un sous-code linguistique.

Cette position permet de proceder a des inventaires precis. Il est, en effet, facile de classer les infractions au code de la langue soutenue que l'on rencontre dans cette expression courante dans la bouche de Berurier : « Le mec dont au sujet duquel je vous cause...» Mais cette position ne permet guere d'obtenir un bon resultat avec le vers celebre de Victor Hugo: «Sa barbe etait d'argent comme un ruisseau d'avril». On pourra repondre que le vers de Hugo represente ici, non pas une infraction au code de la langue, mais une difference par rapport au niveau non marque de la parole -- quelque chose comme un « degre zero de l'ecriture » (R.Barthes), sorte d'etat neutre, d'usage moyen dont on admet l'existence -- et que cette difference est un ecart qui permet de definir le style. Le celebre Aujour-d'hui, maman est morte de Camus representerait assez bien ce niveau non marque ; mais cette « non-marque » envahirait-elle L'Etranger du debut a la fin, elle defini-rait finalement un style : le choix d'une ecriture non marquee (encore faudrait-il pouvoir dire ou commence et ou finit une telle ecriture) est, en fin de compte, une marque voyante. En revanche, s'il est vrai que le style est ecart par rapport a l'usage non marque, il faudrait admettre que le Voltaire qui suit, dans sa correspondance, l'usage soutenu du francais de sa classe et de son temps, n'a pas de style.

On s'apercoit vite, a la suite de Mounin, que la notion d'ecart bute sur une difficulte importante : tout choix n'est pas style, et certains ecarts ne sont, apres tout, que « des gadgets stylistiques sans aucune fonction poetique ». L'ecart est, certes, une caracteristique du style, mais, a lui seul, il ne saurait faire tout le style ; il peut meme n'avoir qu'une place restreinte (exemple de la correspon-dance de Voltaire). A cela, on ajoutera que la marque elle-meme est relative : un cliche qui repre-sente une « non-marque » dans l'usage courant peut devenir une marque dans un texte litteraire par exemple ; inversement, un mot banal dans un poeme de Michaux qui privilegie les neologismes, inconnus du langage usuel, prend le relief particulier d'une marque distincte.

Les stylistiques de l'ecart ont donne des resultats interessants, souvent admirables. G.Marouzeau, R.Jakobson, avec des demarches differentes, ont fonde leurs travaux sur cette notion. Peut-etre, pour eviter les ecueils que nous venons d'enumerer brievement, pourrait-on remplacer la notion d'ecart par celle de variables. Plutot que d'essayer de definir l'ecart par rapport a un code, vaudrait-il mieux essayer de cerner des variables par rapport a d'autres variables, cela par la delimitation d'un corpus. Pour eviter aussi cet ecueil que constitue l'ecart, M.Riffaterre remplace la norme par le contexte et fait appel a la notion de probabilite. L'ecrivain, en effet, utilise un surcodage constitue de procedes dont le role est de souligner (« le langage exprime » -- « le style souligne »). Par ce surcodage, il rend imprevisibles les elements qu'il desire imposer au decodage. Plus cette imprevisi-bilite est grande, plus la probabilite donc est faible, plus il y a style.

Mais on remarque que, ici encore, on en est reduit a mesurer un ecart (entre ce que l'on attend d'apres le contexte, et ce que le texte nous donne). Cet ecart est bien mince dans la correspondance de Voltaire ou le degre de probabilite est grand. Peut-on dire que le style de Voltaire existe a peine ?

Ce que nous venons de voir nous montre que le style est un phenomene complexe, difficile a enfermer dans une formule generale, ou dans une mesure simple et universelle. On aura besoin de bien des outils pour arriver a le cerner d'une maniere satisfaisante. C'est que l'oeuvre litteraire est un temoignage humain, personnel, et que, comme tel, elle met en mouvement un reseau complique et deli-cat d'elements divers. On approchera peut-etre un peu plus de la realite du style avec la notion de connotation.

Si tout signifiant a un signifie linguistique connu des membres de la meme communaute parlant la meme langue, il n'en est pas moins vrai que tout signi-fiant comporte un certain nombre de donnees de nature non linguistique qui ne coincident pas d'un sujet parlant a un autre. Nous n'apprenons pas les mots dans des situations identiques ; cela explique que chacun de ces mots porte une charge affective qui varie d'individu a individu. C'est pourquoi tel poeme me bouleverse qui n'atteint mon voisin que mediocrement.

C'est pourquoi la stylistique est chose si difficile : les connotations sont essentielles pour comprendre ce qu'est le style de tel ecrivain et pour comprendre pourquoi cet ecrivain me touche ; mais le domaine qu'elles nous revelent est difficile: une analyse scientifique, systematique donc, est encore a inventer. On peut cependant tirer tout le parti possible de ce que la linguistique nous offre et, donc, reduire le champ de nos incertitudes par l'utilisation metho-dique des moyens d'investigation qu'elle nous propose : donnees de la linguisti-que historique et donnees de la linguistique descriptive dans tous les domaines : phonique, morphologique, syntaxique, lexical.

Du Moyen Age au XIXe siecle, la stylistique est tout entiere contenue dans la rhetorique, heritee de l'Antiquite. La rhetorique, « a la fois science de l'expres-sion et science de la litterature », se preoccupait de l'analyse du discours : de son argument (inventio), de sa composition (dispo-sition, du choix de ses termes (elocutio -- etude des figures ou tropes).

Art de composer un discours et art de persuader par consequent, la rhetorique a sans cesse montre un double visage : normatif et descriptif (puisque son analyse lui fournissait les moyens de son enseignement). En refusant la visee normative de cette discipline (refus legitime, car un art d'ecrire n'avait plus sa raison d'etre), le romantisme a contribue a sa ruine. Depuis, la rhetorique est tenue en bien mediocre estime. C'est trop vite oublier (une fois denonces son aspect contraignant et sa «rage de nommer», comme l'ecrit G.Genette) que ses classifications correspondaient a quelque chose et que sa description est encore aujourd'hui la seule dont nous disposions sur certains aspects du langage (elle nous offre avec une rigueur vraie « une etude systematique des ressources du lan-gage»).

Cependant, reconnaitre que « l'on a jete parfois le bebe avec l'eau du bain » ne signifie pas que la stylisti-que contemporaine doive revenir a l'ancienne rhetorique ; et reconnaitre la valeur de ses classements ne signifie pas davantage que l'on doive accorder une confiance aveugle en leur efficacite, ne serait-ce au moins que parce que « l'effet d'une figure varie avec le contexte ».

De fait, malgre le regain d'interet que connait actuellement la rhetorique, la stylistique garde ses distances avec cette discipline dont elle a, plus ou moins, retenu les lecons. On est d'abord passe, sous l'influence de la linguistique historique, par un grand vide : le style que les epithetes ne qualifient plus avec precision (style tragique, par exemple, n'exprime plus qu'une impression et non une description objective comme c'etait le cas a l'epoque classique), n'est plus l'objet d'une etude scientifique. Puis, avec Ch.Bally, dont les recherches procedent cependant de l'ancienne rhetorique, on n'a que mepris pour les « termes techniques et rebarbatifs» qu'elle proposait. Ce mepris, pourtant, est reconfortant : il annonce qu'au vide succede l'etude et que le style, redevenant objet d'analyse, reprend place parmi les preoccupations des linguistes ; c'est que l'ecole saussurienne a retrouve le probleme du style, du fait meme qu'elle pose l'opposition langue/parole. Mais, mefiante envers l'acte original que constitue le style individuel, elle s'interessera au premier chef a l'etude des styles collectifs. Ce sera ce que l'on appelle la stylistique de l'expression. Au contraire, sous l'influence de l'ecole idealiste (Schuchardt), on s'etait mis a penser que le style individuel etait interessant puisqu'il etait veritablement l'homme et qu'il contenait, outre un art qui puisait ses moyens dans une langue commune a tous, toute l'originalite et la personnalite de l'ecrivain. Aussi l'etude du style sera-t-elle, non le classement des faits de langue consideres en eux-memes, mais la recherche de l'esprit qui preside a la mise en ?uvre des materiaux qu'ils constituent, qui preside en definitive a la creation litteraire.

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